Et si le modèle des compagnons du Tour de France ou du Devoir constituait la bonne formule de formation professionnelle ? Tu vas certainement me prendre pour un passéiste en pensant, comme le fait chaque génération, que tout est à réinventer. S’il est vrai que chaque monde fabriqué par chaque époque est différent, il n’en demeure pas moins qu’il existe des invariants que l’on ne peut éluder.
Il me faut m’expliquer. Tout apprentissage est mais n’est que la base de connaissance de la technique d’un métier, il n’est pas un aboutissement mais le début d’un cheminement. Quatre éléments supplémentaires viennent la compléter : l’expérience issue de la pratique, l’adaptation aux changements technologiques, l’acquisition d’une culture ouverte et la référence à une éthique professionnelle.
Ce que les Anciens pouvaient se permettre de construire sur le temps d’une vie doit l’être aujourd’hui dans des délais nettement plus courts car le temps s’est accéléré. Cela revient à dire que ce qui était apprentissage technique hier doit être formation professionnelle aujourd’hui. C’est la condition sine qua non de la survie personnelle et professionnelle.
Dans ce contexte, que pouvons-nous apporter ? Certainement pas tout mais plus sûrement une aide qualitative. Pour construire la paix dans le monde et l’entente entre les peuples, il est nécessaire que chacun se sente sécurisé c’est-à-dire sûr de sa capacité à travailler et de sa compétence dans un monde très concurrentiel.
En tant que professionnels, il nous appartient de proposer des terrains de stages conçus comme des plates-formes d’évolution pour permettre aux plus jeunes d’acquérir de l’expérience, mais aussi pour aider les plus anciens à s’adapter aux mutations professionnelles.
En tant que Rotariens, nous avons la possibilité de leur ouvrir le monde, non seulement pour trouver des marchés, mais surtout pour leur permettre de s’ouvrir à d’autres cultures (professionnelles ou nationales) et décloisonner leur esprit, pour que personne ne pense qu’il est une île (Thomas Merton). Par ailleurs, apprendre à accepter les autres qui sont étrangers ou différents est faire le premier pas vers la construction d’une éthique professionnelle pour sortir de cette idéologie du meurtre de l’autre, idéologisé sous le pavillon de la concurrence effrénée et de la compétition acharnée. Travailler n’est pas se battre, se haïr, s’étriper et s’entretuer, mais c’est participer, s’insérer, contribuer, s’associer, aider, soutenir, s’enrichir de l’autre, se fréquenter, se lier…
La formation des Compagnons permettait d’apprendre un métier avec un patron (l’étymologie est pater, le père), de voyager pour connaître d’autres gens et d’autres régions, d’acquérir de l’expérience, de se regrouper pour ne pas être isolés. Et parce qu’ils étaient des Compagnons, ils avaient une éthique qui les plaçaient au-dessus du commun.
Pierre Franceschi
RC Ajaccio
Président de la Commission Formation