Comment faire aimer la lecture et l’écriture ?
« La main droite en haut, en l’air, et dites Bi, Bi, la main gauche en bas, et dites Lo, Lo »
Lorsque j’ai commencé à apprendre le français dans une université des Jésuites au Japon, avec une soixantaine d’étudiants de 18 ans, je chantais et dansais en répétant cette série de sons pour m’habituer à la sonorité et l’articulation particulières à la langue française. En effet le programme d’apprentissage était tout d’abord destinée à la maîtrise linguistique psychomoteur.
Cette méthode d’apprentissage est basée sur la théorie qu’une langue s’apprend essentiellement par les trois sens : sensoriel, visuel et gestuel. Il fallait surtout apprendre à reproduire ce qu’on entendait, comme l’apprentissage d’un instrument musical, mais l’instrument était notre voix. Il fallait répéter et répéter jusqu’à obtenir l’automatisme du positionnement de la langue et du mouvement musculaire, tout en soufflant.
Beaucoup de mes camarades de classe préféraient apprendre des matières plus sophistiquées dignes des études unversitaires.
Mais je savais que cette méthode était la plus efficace puisqu’après avoir acquis la capacité de reproduire les sons, il est facile de passer à la lecture et l’écriture. J’avais déjà pratiqué presque la même méthode pour apprendre l’anglais. D’ailleurs, la première étape pour apprendre à traduire simultanément d’anglais en japonais ou vice versa, c’était de répéter ce que l’on entendait simultanément.
Parfois, nous avons des blocages, parce que nous n’avons jamais fait ce mouvement.
C’est comme dans une salle de gym, certains mouvements sont plus faciles que d’autres.
C’est aussi pour cela qu’il est conseillé de toujours organiser un atelier d’éveil des sens pour les jeunes enfants. Aujourd’hui, nous savons que le fœtus développe sa capacité sensorielle dès le début de la grossesse. Et il paraît que les bébés se détendent à l’écoute de la musique de Mozart.
Et la voix est un instrument extraordinaire et les bébés s’entraînent avant de commencer à parler en faisant toute sorte de bruits par la bouche.
Pour avoir cette flexibilité de reproduire les mêmes sons, ils s’entrainent aussi en faisant des mouvements du corps. Finalement le début de l’apprentissage d’une langue est presque un sport.
Les bébés apprennent à parler, sous l’encouragement de leur entourage, mais surtout de leurs parents, c’est comme leurs premiers pas.
Comment un enfant commence-il à aimer lire et écrire ? Lorsque je commençai à apprendre l’anglais, j’étais tellement curieuse de savoir comment vivent les gens qui parlent une autre langue que la mienne : dans quel genre de maison vivent-ils, comment sont-ils habillés… qu’est-ce qu’ils mangent ? Inconsciemment j’ai commencé à parcourir l’atlas et l’encyclopédie.
Et j’ai trouvé des magazines qui encourageaient à avoir des correspondants à l’étranger « pen friends »
J’ai eu au moins 5 ou 6 correspondants et l’une d’entre eux était une française, qui a commencé à m’écrire dans ses lettres quelques phrases en français. Ceci m’a motivée à apprendre le français et tous les jours j’ai suivi des leçons de français diffusées à la télé ou à la radio. J’avais à peine 15 ans.
N’importe quel enfant, s’il est encouragé par ses proches, finit par être motivé, pour être apprécié et reconnu pour ses efforts. Et ses proches l’encouragent parce qu’ils aiment cet enfant et ils sont fiers de ses progrès. Finalement, c’est l’amour que nous portons sur les autres qui peut tant les influencer.
Je me souviens de ce film : « The Miracle Worker – Miracle en Alabama », basé sur l’enfance du premier handicapé ayant obtenu un diplôme universitaire aux Etats-Unis, Helen Keller, atteinte de trois handicaps lourds : sourde, aveugle et muette. Ce film démontrait bien que cette petite fille sans pouvoir s’exprimer était livrée à un état sauvage, puisqu’il ne lui restait que le toucher comme sens et n’arrivait pas à canaliser ses émotions. Mais le jour où elle est arrivée à communiquer avec sa maîtresse, grâce à un mot « l’eau », sa vie a changé. Et sa vie est immortalisée ainsi dans ce film.
Un être humain, sans pouvoir s’exprimer, s’enferme, étant incapable de mettre des mots sur ses émotions fortes il réagit par la violence. N’est-ce pas parfois le cas de certains jeunes qui sont cantonnés dans cet espace limité ?
L’accès à la lecture, à la peinture, à la musique… à la culture, développe la liberté imaginaire et l’envie de partage.
Il y 2 ans, lorsque mon ancien club a accueilli 3 jeunes lycéennes rescapées de Fukushima, l’une d’elle était non voyante. Elle nous racontait que le jour du séisme, pour calmer tous les jeunes enfants qui pleuraient de peur autour d’elle, elle a sorti son livre préféré écrit en braille de sa poche, et a commencé à lire … à haute voix…
Nous savons combien nous devons à la lecture et à l’écriture, il suffit d’imaginer le monde sombre et obscure, où nous serions exclus des autres … et de tout apprentissage.
Lançons une action comme : le Concours de lecture pour les enfants, en remettant un diplôme pour avoir lu le plus de livres sur un trimestre ou deux ; un Concours de diction, pour interpréter un poème ?
Machiko WAKAI-TSCHANN
Gouverneur 2016-17